Voici la version intégrale de l’entretien accordé par Marc Leclère au magazine Prévoyance (N°82), dans laquelle le Président de l’Union nationale des complémentaires santé (UNOCAM) revient sur la négociation de la dernière convention et les enjeux de sa mise en œuvre. L’UNOCAM, qui rassemble les fédérations de complémentaire santé (Mutualité Française, France Assureurs, CTIP), est partenaire conventionnel aux côtés de l’Assurance Maladie et des syndicats de chirurgiens-dentistes libéraux et à ce titre était à la table des dernières négociations.
La convention nationale a été signée en juillet 2023 et complétée en juillet 2024 par un avenant n°1. Pouvez-vous revenir sur ces négociations et ses grands axes ?
Marc Leclère : Nous avons partagé avec l’Assurance Maladie, en amont de l’ouverture de la négociation, l’idée qu’il fallait « mettre le paquet » sur la prévention dans la nouvelle convention. Après une convention 2018-2022 très orientée soins curatifs avec la réforme du 100% Santé sur les prothèses dentaires, c’était une nécessité absolue. En théorie, la prévention est un sujet consensuel ; en pratique, c’est moins évident pour des questions de modèle économique des professionnels de santé mais aussi de pilotage des politiques publiques de prévention, peu pensées aujourd’hui dans une logique partenariale. Si les discussions n’ont pas toujours été simples, les partenaires conventionnels se sont retrouvés autour de l’ambition partagée de faire émerger une « Génération sans carie ». Cette convention, signée à l’unanimité -et c’est une première- se traduit par un investissement financier important sur la période 2023-2028 et doit permettre de développer une véritable culture de la prévention en matière de santé bucco-dentaire.
Le nouvel examen bucco-dentaire (EBD), qui est la pierre angulaire du programme, doit se mettre en œuvre au 1er janvier 2025. Comment se prépare ce chantier ? Quels en sont les enjeux ?
Vous avez raison, la signature de la convention n’est qu’un point de départ. Elle a ouvert un vaste chantier sur lequel les partenaires se sont immédiatement mobilisés. Il comprend de multiples dimensions et notamment la dispense d’avance de frais sur la partie complémentaire, la communication pour faire connaître ce programme auprès des assurés, les actions « d’aller vers » pour toucher les publics les plus éloignés des soins, le téléservice dédié pour les professionnels, la collecte et exploitation des résultats du nouvel EBD. Je veux saluer la dynamique de travail nouvelle et inédite qui est engagée entre l’Assurance Maladie, l’UNOCAM et les complémentaires santé et aussi les syndicats de chirurgiens-dentistes libéraux. Cela se traduit par des rendez-vous réguliers depuis plus d’un an et ces travaux vont encore s’accélérer d’ici la fin de l’année. Les organismes complémentaires santé, dont le métier est de prévenir les risques, contribueront à ce programme en tant que co-financeurs mais aussi partenaires. Ils ont prévu d’engager des actions d’information et de relance auprès de leurs assurés. Pour la première fois, nous allons avoir un co-portage AMO-AMC d’un programme de prévention et cette dimension partenariale se retrouvera la communication en cours de finalisation.
La mise en place du tiers-payant complémentaire sur l’EBD et les soins complémentaires constitue un défi important pour tous les acteurs concernés – AMO, OCAM, éditeurs de logiciels et professionnels de santé qui devront s’approprier les nouveaux outils. Je rappelle que la dispense d’avance de frais et l’absence de reste à charge pour le patient constituaient, dès l’origine, les principes majeurs de la réforme, actés dans la convention. Sur la mise en œuvre, l’Inter-AMC et les complémentaires santé, qui sont en première ligne dans cette phase opérationnelle, sont pleinement mobilisés en lien étroit avec l’Assurance Maladie. Chacun doit jouer son rôle et prendre sa part. Nous avons une obligation de résultat. La réussite sera forcément collective.
Au total, en quoi ce projet vous paraît-il intéressant ? Qu’en attendez-vous ?
Je veux voir dans ce projet un exemple concret, parmi d’autres, de ce que l’on peut faire d’utile, de pertinent, quand on construit ensemble, Assurance Maladie, UNOCAM et syndicats de professionnels de santé libéraux. Alors que de nombreux rapports récents recommandent une meilleure coopération entre AMO et AMC, je crois que nous avons là un bon exemple sur le fond et en méthode de travail. Ce projet de prévention s’adresse aux jeunes générations et s’inscrit dans une logique résolument partenariale. Cette approche est en réalité très nouvelle et j’espère qu’elle inaugure une ère nouvelle pour plus d’efficience et de prévention.
Il est encore tôt pour en parler mais nous avons bien sûr prévu de faire un suivi du déploiement et de la montée en charge de ce programme dans le cadre des instances conventionnelles et notamment de répondre aux questions suivantes : le taux de recours des assurés au dispositif a-t-il progressé ? La santé bucco-dentaire des jeunes s’est-elle améliorée ? Le programme « Génération sans carie » suppose un changement complet de paradigme, pour passer d’une approche curative à une approche préventive. Cela signifie qu’à terme, le recours aux soins prothétiques et implantaires ne sera plus aussi nécessaire et devrait donc diminuer, nous devrons aussi pouvoir le mesurer.
Bon à savoir : trois textes
- La convention nationale conclue le 21 juillet 2023 entre l’UNCAM, l’UNOCAM et les deux syndicats de chirurgiens-dentistes libéraux, CDF et FSDL, prévoit notamment de faire émerger une première « Génération sans carie ». Elle prévoir pour ce faire la refonte de l’examen bucco-dentaire (EBD) qui est revalorisé, annualisé et co-financé AMO-AMC pour la génération des 3-24 ans à hauteur de 60/40 et l’augmentation de 30 % des tarifs des soins conservateurs pour cette génération.
- L’avenant n°1 à la convention, signé en juillet 2024 par l’UNCAM, l’UNOCAM et les CDF, a conduit à faire quelques ajustements et notamment à étendre le dispositif « par le haut » et « par le bas » à la génération des 2-25 ans et à préciser la notion de soins complémentaires à l’EBD.
- Le PLFSS pour 2025 doit parachever le dispositif avec une disposition législative attendue permettant d’acter le co-financement AMO-AMC de l’examen bucco-dentaire (EBD), tel que voulu par les partenaires conventionnels, en prévoyant l’instauration d’un ticket modérateur là où le programme fait aujourd’hui l’objet d’une prise en charge à 100% par l’Assurance Maladie obligatoire.
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Prévoyance, le magazine du CTIP
Cet article fait partie du numéro 82 de Prévoyance, le magazine trimestriel du CTIP. Il existe en version papier et en version newsletter. S’abonner en cliquant ci-dessous.