Le comité des pratiques RSE du CTIP a chargé le cabinet EY de réaliser une enquête sur « l’état de maturité des institutions de prévoyance (IP) en matière de RSE » à laquelle ont répondu 16 IP dont le chiffre d’affaires représente 87,6 % des cotisations totales. Frédéric Olivennes, directeur général d’Audiens, président du comité RSE, répond aux questions de Prévoyance.
Quels principaux enseignements tirez-vous de cette enquête ?
Frédéric Olivennes : Il en ressort, d’une part, que les plus grands acteurs du secteur ont davantage de maturité sur le sujet de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) que les petits. Les grandes structures ont, en effet, plus de moyens, et le spectre de la RSE, incluant l’environnement comme le social, est extrêmement large. D’autre part, les institutions de prévoyance (IP) ayant le plus développé leur politique RSE n’ont pas toutes fait les mêmes choix. On constate des différences dans le degré de priorités entre le social et l’environnemental et, à l’intérieur de ces piliers, les IP ont chacune agi à leur façon, ce qui est assez naturel.
Le comité des pratiques RSE a été créé à l’occasion de la COP 26 en octobre- novembre 2021, pour identifier et enrichir les bonnes pratiques RSE des IP. Une enquête réalisée à cette période avait particulièrement montré l’importance de la finance responsable et durable au sein de la démarche RSE d’une IP. Il en était ressorti également que 80 % des investissements des IP étaient déjà gérés en tenant compte de critères extra-financiers (environnementaux, sociaux ou de gouvernance). Cela s’explique par notre gouvernance paritaire.
En quoi cet état des lieux va-t-il guider l’action du comité RSE du CTIP ?
F.O. : Ce sera au comité des directeurs du CTIP d’en décider. À titre personnel, je pense que le CTIP peut proposer des moyens et des outils d’accompagnement aux IP les plus modestes qui ont envie de développer plus résolument leur politique RSE. Et, pourquoi pas, en s’inspirant des bonnes pratiques mises en valeur par cette dernière étude.
Après la remise des conclusions en juillet 2023, deux réunions se sont tenues les 22 septembre et 4 octobre, ouvertes largement, au-delà des adhérents du comité RSE, aux autres fonctions impliquées au sein des IP. Ces réunions ont permis de faire le point sur l’application des nouveaux textes européens, notamment la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui va devenir progressivement obligatoire à partir de 2025 pour les comptes 2024. Cette directive va renforcer considérablement les obligations en matière de reporting extra-financier des entreprises, et des méthodologies peuvent être partagées au sein du comité du CTIP pour accompagner les IP. Ce rapport extra-financier suppose d’avoir déjà accompli de nombreux travaux en amont, comme la cartographie des risques environnementaux et sociaux, et la mise en place d’indicateurs de suivi.
Par ailleurs, nous avons maintenant une vision de la RSE qui va nous permettre d’unir la démarche de finance durable avec celle plus globale de la RSE. Notre comité avait d’abord été créé à côté de la commission économique et financière du CTIP, pour ne pas doublonner les travaux déjà initiés par cette commission sur la finance durable. Depuis 2023, il a été décidé de réunir l’ensemble de ces travaux au sein du comité RSE pour disposer d’une vision globale et coordonnée, et ainsi optimiser les échanges et l’accompagnement du CTIP.
Quels sont pour vous les défis les plus importants à relever par les IP ?
F.O. : Les préoccupations environne- mentales sont à présent très urgentes, et la dimension sociale, dans nos métiers tournés vers l’humain, est fondamentale ! Les institutions de prévoyance ne sont pas du tout en reste sur le « S », en particulier en ce qui concerne la politique vis-à-vis des salariés. Chez Audiens, nous mettons notamment l’accent sur l’inclusion, la diversité et le handicap, et la plupart des IP le font aussi.
C’est pour moi la trajectoire environnementale nécessaire pour arriver à la neutralité carbone qui constitue aujourd’hui le défi le plus important même si les IP sont déjà bien impliquées et engagées dans la réduction de leurs émissions. Chez Audiens, nous sommes en train de finaliser la trajectoire sur laquelle nous allons nous engager.
Le premier levier pour les IP, c’est d’agir sur leurs portefeuilles d’investissement, qui représentent environ 80 % de leur impact carbone. Il existe aussi d’autres actions complémentaires, par la politique d’achats ou en veillant aux usages de l’informatique et du numérique.
Ensuite, les groupes de protection sociale peuvent contribuer à la préservation de la biodiversité, qu’ils aient des implantations régionales ou pas, en aidant, par exemple, des acteurs de la biodiversité sur le terrain. À ne pas oublier : les impacts générés en amont, par exemple, dans le domaine des achats ou de la restauration des salariés. Enfin, il est possible aussi d’accompagner les secteurs clients dans la transition comme Audiens le fait avec l’association Ecoprod pour la production audiovisuelle éco-responsable.
L’autre défi, c’est celui d’être prêt à répondre rapidement aux différentes exigences de conformité aux nouvelles réglementations sur la durabilité (cartographie des risques, finance durable, CSRD, taxonomie européenne, SFDR, CSDDD, article 29 de la loi Énergie Climat, etc.). Les IP ne doivent pas prendre de retard, compte tenu de nos métiers et de notre démarche sociétale, qui nous imposent d’être prêts et à jour des obligations qui nous incombent et qui s’imposent à nous.
Enfin, la nouvelle économie numérique est porteuse de menaces. La richesse immense concentrée par une poignée d’acteurs du type GAFAM s’accompagne d’effectifs salariés relativement réduits dans ces entreprises. À l’autre bout de la chaîne, beaucoup d’emplois peu qualifiés et peu rémunérateurs sont créés. Cette évolution, que les progrès de l’intelligence artificielle prolongent, pose un défi de taille au financement de la protection sociale.
Prévoyance, le magazine du CTIP
Cet article fait partie du numéro 79 de Prévoyance, le magazine trimestriel du CTIP. Il existe en version papier et en version newsletter. S’abonner en cliquant ci-dessous.